Siddhi Aubeeluck, Associée au développement des subventions (Canada)
La crise du logement au Canada est devenue une question d’urgence nationale. En 2024, près de 45 % des Canadiens se déclareront très inquiets quant à leur capacité à se loger en raison de la hausse des coûts. En Ontario, le prix moyen d’une maison en 2019 était d’environ 604 883 $, et en 2024, ce chiffre est passé à 868 067 $, ce qui représente une augmentation de 43,4 % au cours de ces cinq années. L’offre ne répond pas à la demande, ce qui entraîne une hausse soutenue des prix. Les subventions ont joué un rôle important dans la lutte contre la pénurie de logements. Parmi les nombreuses subventions mises en place par le gouvernement canadien, trois programmes se distinguent : Le Fonds pour le logement abordable, Fonds pour accélérer la construction de logements et le Fonds canadien pour les infrastructures liées au logement. Pour mieux comprendre les efforts du gouvernement, examinons ces trois initiatives clés.
Le Fonds pour le logement abordable
Le Fonds pour le logement abordable (FLA) a été initialement lancé en 2017 dans le cadre de la Stratégie nationale pour le logement, un plan décennal de plus de 115 milliards de dollars mis en place par le gouvernement fédéral pour répondre à la demande de logements du pays. En novembre 2023, le gouvernement canadien a annoncé un financement supplémentaire d’un milliard de dollars sur trois ans à partir de cette année (2025-2026), ce qui porte le financement total à plus de 14 milliards de dollars. Le fonds est géré par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), qui supervise l’administration et la mise en œuvre du programme.
Le FLA fournit un financement sous forme de prêts à faible taux d’intérêt et/ou de prêts-subventions ou de contributions pour aider à construire de nouvelles maisons et à rénover/réparer des logements abordables et communautaires existants. Le fonds vise à soutenir les populations vulnérables, en donnant la priorité aux projets qui proposent des solutions de logement aux populations autochtones, aux personnes handicapées, aux femmes et aux enfants fuyant la violence familiale, aux personnes âgées, aux personnes ayant des problèmes de dépendance, ainsi qu’aux jeunes adultes. Au-delà des projets de construction, l’AHF finance également des programmes de loyers indexés sur les revenus, qui aident les locataires à faible revenu en liant leur loyer à leur niveau de revenu.
Les subventions du FHA sont ouvertes aux provinces et territoires, aux municipalités, aux organisations à but non lucratif, aux communautés autochtones et aux promoteurs du secteur privé. En outre, le Fonds facilite et encourage les partenariats entre ces différents acteurs pour la réalisation de projets de logements abordables.
À présent, le Fonds pour le logement abordable a facilité la création d’environ 60 000 nouveaux logements abordables et la réparation d’environ 240 000 logements existants dans l’ensemble du Canada. Qu’il s’agisse de construire de nouveaux complexes d’habitation, de transformer des logements existants, de créer des abris communautaires ou de répondre aux besoins de logement des populations autochtones, le Fonds pour le logement abordable joue un rôle essentiel dans l’évolution du climat du logement au Canada.
Le fonds pour accélérer la construction de logements
Le fonds pour accélérer la construction de logements est une autre subvention clé introduite par le gouvernement fédéral. Lancé en 2023, ce fonds de 4 milliards de dollars vise à éliminer les goulets d’étranglement dans le développement du logement, en accélérant le processus de construction pour remédier à la pénurie d’offre. Ces « goulets d’étranglement » comprennent les obstacles liés aux processus d’approbation (par exemple, les délais prolongés pour l’obtention des permis), les limitations des infrastructures (par exemple, les services publics nécessaires à la construction de nouveaux logements) et les restrictions de zonage (par exemple, les réglementations sur le zonage à usage mixte) qui limitent les nouveaux développements. Le fonds est destiné à créer un processus de développement du logement plus rationnel, avec pour objectif d’accélérer le système d’approbation de 100 000 nouveaux logements au cours des trois premières années du programme.
Tout comme le Fonds pour le logement abordable, le Fonds pour accélérer la construction de logements est géré par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL). Cependant, contrairement au Fonds pour le logement abordable, le Fonds pour accélérer la construction de logements n’est pas ouvert aux promoteurs privés. Ces ressources privilégient plutôt le financement des efforts des gouvernements municipaux, provinciaux et territoriaux, des communautés autochtones et des organismes à but non lucratif.
La ville de Guelph illustre comment le Fonds pour accélérer la construction de logements répond aux défis liés à la croissance démographique et à la demande accrue — des pressions qui reflètent des tendances nationales. Parmi les nombreux bénéficiaires du Fonds pour accélérer la construction de logements, la ville a reçu plus de 21 millions de dollars en 2024. Guelph vise à construire 739 nouvelles unités de logement au-dessus de la moyenne municipale d’ici 2026, en utilisant l’argent de la subvention pour financer des activités telles que la modernisation des demandes de permis afin de faciliter le processus pour les promoteurs, la réévaluation des lois de zonage pour encourager une densité douce dans les zones résidentielles à faible densité, la création d’un inventaire des terrains municipaux pouvant servir au logement abordable, et le renouvellement des infrastructures (comme les canalisations ou les routes) pour suivre les objectifs de construction. En s’attaquant à ces défis locaux, le Fonds pour accélérer la construction de logements démontre son rôle plus large en aidant les communautés à travers le Canada à naviguer des enjeux similaires.
Densification douce: La densification douce fait référence au processus d’ajout de plus d’options de logement dans des quartiers établis par le biais de développements à plus petite échelle, comme des duplex, triplex ou maisons en rangée. Cette approche vise à préserver le caractère d’une communauté tout en accueillant plus de résidents, favorisant ainsi une croissance durable.
Comme l’a déclaré l’ancien ministre du Logement Sean Fraser, « Le Fonds pour accélérer la construction de logements aide actuellement 177 communautés à travers le Canada à augmenter leur ambition en matière de logement en atteignant leur objectif d’accroître l’offre de logements dans leur municipalité ». Bien que toujours à ses débuts, le Fonds pour accélérer la construction de logements s’est fixé des objectifs ambitieux, et son plein impact se révélera dans les années à venir.
Le Fonds canadien pour les infrastructures liées au logement
Enfin, intéressons-nous au Fonds canadien pour les infrastructures liées au logement (FCIL), une initiative fédérale de 6 milliards de dollars gérée par Infrastructure Canada, conçue pour surmonter les obstacles critiques liés aux infrastructures qui freinent le développement du logement, comme la mise à niveau des systèmes d’eau et d’eaux usées, l’amélioration de la gestion des eaux pluviales, et le renforcement des infrastructures de gestion des déchets solides afin de faciliter la construction de nouvelles habitations.
Ce fonds est ouvert aux municipalités, provinces et territoires, organismes non gouvernementaux travaillant avec des gouvernements admissibles, ainsi qu’aux communautés autochtones. Notamment, au moins 10 % du financement total est réservé aux projets dirigés par des Autochtones, reconnaissant les besoins uniques en infrastructures et en logement de ces communautés. De manière similaire au Fonds pour accélérer la construction de logements, ce fonds n’est pas directement accessible aux promoteurs privés.
Le FCIL fonctionne selon deux principaux volets de financement. Le Volet de livraison directe attribue jusqu’à 1 milliard de dollars sur huit ans aux bénéficiaires admissibles mentionnés ci-dessus, tandis que le Volet de livraison provinciale et territoriale distribue le reste des fonds via des ententes avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, qui allouent les ressources aux projets d’infrastructures prioritaires soutenant le développement du logement dans leurs juridictions. Ces deux volets assurent que les besoins locaux et les priorités régionales plus larges soient traités de manière globale.
Lancé en avril 2024, le FCIL en est encore à ses débuts, avec peu de données disponibles sur ses projets financés et son impact global. En mai 2024, le gouvernement fédéral et la province de l’Ontario ont conclu une entente de 357 millions de dollars dans le cadre du FCIL pour répondre à leurs besoins en logement. Alors que cette initiative progresse, nous attendons avec intérêt de voir son impact et son efficacité pour relever les défis pressants en matière de logement dans la région.
Défis des subventions fédérales au logement et perspectives d’avenir
Bien que le gouvernement fédéral ait réalisé d’importants investissements pour faire face à la crise nationale du logement par le biais de subventions, divers facteurs continuent d’influencer leur efficacité.
Au premier plan de ces défis se trouvent la hausse des coûts de construction. L’inflation, les problèmes liés aux chaînes d’approvisionnement et la pénurie de main-d’œuvre qualifiée et hautement spécialisée affectent l’industrie canadienne de la construction depuis plusieurs années. Ainsi, malgré les montants importants investis par le gouvernement fédéral à travers ces subventions, les experts soutiennent que le fonds reste insuffisant pour résoudre la crise du logement au Canada en raison de l’explosion des coûts de construction dans le pays.
Un autre obstacle important est le phénomène ‘Pas dans mon jardin’. Dans certains cas, les communautés locales s’opposent à de nouveaux projets dans leurs quartiers en raison de préoccupations concernant la valeur des propriétés, le caractère du quartier ou la demande accrue pour les services locaux.
Cette opposition peut compliquer la capacité des municipalités à utiliser pleinement les subventions fédérales telles que le Fonds pour le logement abordable, le Fonds pour accélérer la construction de logements ou le FCIL pour construire dans les zones où le logement abordable est le plus nécessaire. Les critiques avancent que les municipalités, en particulier les élus, disposent d’un contrôle excessif sur le processus de planification et de développement, certains étant réticents à augmenter la densité résidentielle dans certaines zones à cause de l’opposition communautaire.
Une préoccupation supplémentaire liée à ces subventions fédérales concerne la répartition inégale des financements pour les projets de logement à travers les provinces et territoires. Par exemple, certaines provinces et territoires ont pu mieux tirer parti du financement du Fonds pour accélérer la construction de logements (comme l’Ontario), tandis que des régions comme les Prairies ou le Nord du Canada ont pu ne pas bénéficier des mêmes avantages en raison de barrières logistiques, démographiques ou autres. Cette disparité régionale peut freiner l’impact global des programmes dans certaines zones, toutefois, des efforts tels que l’engagement du FCIL à consacrer 10 % de son financement à des projets autochtones ont contribué à réduire les asymétries de financement dans les communautés nordiques.
Bien que ces subventions clés témoignent des investissements substantiels du gouvernement fédéral pour faire face à la crise nationale du logement, une solution plus large est nécessaire pour poursuivre ces efforts et collaborations préliminaires. Alors que la Stratégie nationale sur le logement du Canada entre dans ses dernières années et que les programmes de financement plus récents gagnent en importance, les Canadiens restent attentifs, dans l’espoir de progrès durables et significatifs dans la lutte contre la crise du logement.