Le financement public est un pilier fondamental de la gouvernance au Canada, garantissant que toutes les provinces et territoires disposent des ressources nécessaires pour maintenir les services essentiels à travers le pays. Une part importante de ce financement passe par les transferts fédéraux, indispensables pour soutenir la capacité fiscale nationale et fournir un appui crucial aux soins de santé, aux programmes sociaux et au développement régional. Ces transferts reflètent l’engagement du gouvernement fédéral à assurer des services publics équitables dans toutes les juridictions, malgré les différences économiques entre provinces et territoires.
Au Canada, il existe quatre principaux programmes de transferts fédéraux : Equalization, Territorial Formula Financing (TFF), Canada Health Transfer (CHT) et Canada Social Transfer (CST). Cet article offre un aperçu de chacun de ces programmes, en explorant leur objectif, leur évolution et les tendances clés. Ces transferts façonnent fortement le paysage fiscal du pays dans un contexte économique et politique incertain, ce qui rend leur compréhension essentielle pour tous les Canadiens.
Historique des principaux transferts de 1957 à aujourd’hui :
À mesure que le Canada a évolué et s’est adapté à diverses conditions économiques, mouvements sociaux et priorités politiques, ses transferts fédéraux majeurs ont connu d’importantes transformations. Ces changements reflètent les pressions fiscales et les objectifs politiques changeants.
Périodes clés :
- 1957-1976 : L’introduction des transferts fédéraux et d’Equalization
Cette période marque la mise en place des premiers transferts fédéraux, incluant des programmes de partage des coûts pour la santé et les services sociaux. En 1957, le programme Equalization est introduit pour réduire les disparités régionales, en garantissant que toutes les provinces puissent offrir des niveaux comparables de services publics, quelle que soit leur capacité de générer des revenus. Cela représente un tournant dans la relation fiscale entre le fédéral et les provinces. - 1977-1995 : Passage au financement global (block funding)
En 1977, le gouvernement fédéral remplace le financement à coût partagé par des transferts globaux, offrant aux provinces plus de flexibilité dans l’allocation des fonds fédéraux. La Loi sur le financement des programmes établis introduit ce financement global pour la santé et l’éducation postsecondaire, s’éloignant des arrangements rigides de partage des coûts. Cette période renforce l’autonomie provinciale dans la gestion des programmes sociaux tout en réduisant l’intervention directe du fédéral. - 1996-2003 : Réduction du déficit fédéral et consolidation des transferts
Face à des défis fiscaux majeurs, le gouvernement fédéral procède à des coupes budgétaires importantes et restructure son système de transferts. En 1996, le Canada Health and Social Transfer (CHST) est créé par la fusion des fonds santé et sociaux, réduisant la contribution fédérale globale et transférant davantage de responsabilités aux provinces. - 2004 à aujourd’hui : Transparence, engagements accrus et débats continus
Pour améliorer la transparence et mieux répondre au financement de la santé, le CHST est scindé en deux transferts distincts en 2004 : le Canada Health Transfer (CHT) et le Canada Social Transfer (CST). Les accords de santé subséquents (2004-2017) renforcent l’engagement fédéral à augmenter les paiements de transfert, mais des débats perdurent sur leur suffisance et leur répartition équitable. 
Ces évolutions historiques montrent l’équilibre changeant entre l’autonomie provinciale et le leadership fédéral dans le cadre fiscal intergouvernemental canadien. Face à la hausse des coûts en santé, aux disparités régionales et aux pressions démographiques, les transferts fédéraux restent essentiels pour soutenir les services publics. Leur adaptabilité sera clé pour répondre aux besoins diversifiés et croissants des Canadiens.
Equalization
Le programme Equalization est un élément crucial du cadre fiscal canadien. Il garantit que toutes les provinces, indépendamment de leur richesse économique, puissent offrir des services publics comparables à leurs citoyens. Ce programme redistribue la richesse des provinces à forte capacité fiscale vers celles à plus faible capacité, corrigeant ainsi les disparités fiscales liées aux différences économiques régionales.
Cette initiative est vitale pour favoriser l’unité nationale et l’équilibre économique, empêchant que des provinces moins prospères ne soient incapables de fournir des services essentiels tels que la santé et l’éducation, ce qui creuserait les inégalités socio-économiques à l’échelle du pays.
Bien que Equalization ne soit pas un transfert distinct, il joue un rôle clé dans la redistribution des fonds entre provinces pour assurer l’équité fiscale. Le montant reçu par chaque province est déterminé par une formule qui évalue la capacité fiscale. Les provinces plus riches, comme l’Alberta et l’Ontario, contribuent, tandis que des régions moins prospères telles que le Québec, le Manitoba et les provinces atlantiques reçoivent des fonds pour compléter leur capacité à fournir des services publics essentiels.
Pour la période 2025-2026, le Québec devrait continuer à être le principal bénéficiaire des paiements d’Equalization, suivi des provinces atlantiques et du Manitoba. Alberta, riche en ressources naturelles, soulève des préoccupations quant à l’équité du système. Bien qu’elle contribue beaucoup au programme en raison de ses revenus pétroliers, un débat existe sur la justice de faire financer par des provinces dépendantes des ressources des provinces à économie plus diversifiée. Les fluctuations des prix du pétrole accentuent la volatilité des contributions de l’Alberta. Cela alimente des appels à la réforme, notamment pour plafonner les paiements ou les ajuster selon le coût de la vie, afin d’améliorer l’équité du système.
Territorial Formula Financing (TFF)
Le programme Territorial Formula Financing (TFF) fournit un soutien financier aux territoires du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut. Contrairement à Equalization, qui vise les disparités fiscales entre provinces, TFF aide les territoires à offrir des services publics comparables, malgré leurs coûts plus élevés et leur faible capacité à générer des revenus.
Les territoires font face à des défis uniques : vastes distances géographiques, populations petites et dispersées, conditions climatiques extrêmes, qui augmentent le coût des services. Le financement est calculé selon une formule prenant en compte les besoins de dépenses et la capacité de revenus de chaque territoire.
Allocations prévues pour 2025-26 :
- Yukon : 1,454 milliard $
 - Territoires du Nord-Ouest : 1,803 milliard $
 - Nunavut : 2,231 milliards $
 
Ces montants représentent des augmentations respectives de 7,7 %, 5,8 % et 5,8 % par rapport à l’année précédente, dépassant les taux d’inflation et reflétant les pressions croissantes dans le Nord.
Canada Health Transfer (CHT)
Le Canada Health Transfer (CHT) est le plus important transfert fédéral vers provinces et territoires, jouant un rôle fondamental pour soutenir le système public de santé canadien. Il fournit un financement direct pour aider les provinces à offrir des services conformes au Canada Health Act, qui repose sur des principes clés : universalité, accessibilité, intégralité, transférabilité et administration publique.
Avec la hausse des coûts liée à l’inflation et le vieillissement de la population, le CHT est plus crucial que jamais. La croissance des besoins en soins de longue durée, gestion des maladies chroniques et santé mentale met les systèmes provinciaux sous pression. Le gouvernement fédéral utilise le CHT pour aider les provinces à gérer ces demandes croissantes et maintenir un système durable et de qualité.
Le financement du CHT est actuellement alloué sur une base per capita, chaque province recevant un montant proportionnel à sa population. Cette formule simple et équitable est toutefois critiquée pour ne pas tenir compte des besoins spécifiques ou des variations régionales de coûts. Le gouvernement fédéral a parfois accordé des fonds supplémentaires ciblés lors de crises, comme pendant la pandémie de COVID-19.
En 2023, le gouvernement fédéral s’est engagé à fournir 46,2 milliards de dollars supplémentaires en financement de la santé sur 10 ans, incluant de nouveaux accords bilatéraux avec les provinces. Pour 2025-2026, les allocations du Canada Health Transfer (CHT) devraient augmenter d’environ 5%, en lien avec l’inflation des dépenses en santé.
Malgré cela, les provinces réclament une plus grande part fédérale pour répondre aux besoins croissants. Les discussions continuent autour de la responsabilisation et de l’efficacité dans l’utilisation des fonds. Certains proposent de passer à un financement basé sur les besoins plutôt que sur la population.
Canada Social Transfer (CST)
Le Canada Social Transfer (CST) est un programme fédéral soutenant provinces et territoires dans la prestation de services sociaux essentiels. En fournissant des ressources financières, le CST contribue à la stabilité économique et à l’égalité des chances au pays.
Pour l’année fiscale 2025-26, l’allocation est fixée à environ 17,4 milliards $, soit une légère augmentation par rapport à l’année précédente, mais insuffisante pour suivre l’inflation, ce qui complique la réponse aux besoins croissants en services sociaux.
Le CST est distribué sur une base per capita égale, offrant une flexibilité dans l’allocation des ressources selon les priorités locales. Cette flexibilité peut cependant entraîner des disparités dans la prestation des services entre régions.
Les trois domaines principaux financés sont :
- Enseignement postsecondaire (subventions, aide financière, soutien aux institutions)
 - Assistance sociale et services sociaux (soutien au revenu, programmes pour personnes handicapées, logement)
 - Développement de la petite enfance et services de garde (compléments aux prestations, subventions aux familles à faible revenu, investissements en éducation précoce)
 
Il existe une demande croissante pour un financement plus ciblé, notamment pour le logement abordable, la santé mentale et l’accessibilité à l’enseignement supérieur. Par exemple, le Budget 2024 propose :
- 976 millions $ sur 5 ans pour le logement profondément abordable
 - 500 millions $ pour les services de santé mentale, surtout pour les jeunes Canadiens
 
Dans l’enseignement postsecondaire, on pousse pour des mécanismes de financement plus structurés. L’Alternative Federal Budget (AFB) 2024 propose la création d’un transfert national distinct pour l’enseignement postsecondaire, séparé du CST, afin d’assurer un financement fédéral clair, adéquat et conditionné.
Certains territoires explorent aussi des modèles de financement basé sur la performance (PBF), comme l’Ontario, qui lie une part des fonds à des résultats spécifiques. Cette approche fait cependant l’objet de critiques, notamment quant à son impact sur les institutions moins bien dotées.
Les discussions sur l’avenir du CST portent donc sur un équilibre à trouver entre flexibilité, ciblage et responsabilité.
L’avenir des transferts fédéraux
Les transferts fédéraux forment la colonne vertébrale de l’infrastructure sociale et économique du Canada. Face aux changements démographiques, à la hausse des demandes et à l’incertitude économique mondiale, leur avenir sera déterminant pour la cohésion et la prospérité nationale.
Les pressions fiscales, surtout dans la santé et les services sociaux, pourraient entraîner des appels à un soutien fédéral accru, soulevant des questions sur la durabilité à long terme. Par ailleurs, les changements politiques pourraient modifier les priorités, rendant les débats sur l’autonomie provinciale et la surveillance fédérale plus vifs.
L’instabilité économique mondiale peut aussi menacer la stabilité des financements, notamment pour les régions dépendantes des transferts comme Equalization et TFF.
Enfin, les discussions sur la réforme des formules, l’intégration du coût de la vie ou le financement basé sur les besoins reflètent une demande croissante pour un système plus juste et flexible.
Le futur des transferts fédéraux dépendra de la coopération entre gouvernements, d’un engagement commun pour l’équité et d’une capacité d’adaptation. Trouver un juste équilibre entre équité, efficacité et durabilité sera essentiel pour garantir à tous les Canadiens l’accès à des services publics solides et accessibles.

                
